Incitation publique à la haine et brandissement d’un drapeau nazi : quel fardeau de preuve attend la poursuite dans l’affaire Batbouti ?

Le 12 mars dernier, un homme s’est rendu sur la colline parlementaire à Ottawa pour brandir un drapeau nazi. Les médias ne précisent pas la raison pour laquelle une manifestation se tenait ce jour-là devant le Parlement, mais ce qui est sûr, c’est que l’individu a rapidement été repoussé par les manifestants qui se trouvaient sur place, visiblement effarés de constater qu’un homme tentait de se joindre à eux avec un pareil drapeau. 

Quelque semaines plus tard, le 14 avril, un homme de 34 ans qui répond au nom d’Amine Batbouti a été arrêté à Montréal pour être accusé d’incitation publique à la haine en vertu du paragraphe 319(1) du Code criminel. Dans son communiqué, la police d’Ottawa explique que l’individu aurait fait « des gestes obscènes » et lancé « des insultes haineuses » en plus d’agiter sans la moindre gêne son drapeau. Dans certains extraits vidéo de l’évènement qui ont circulé sur les réseaux sociaux, on peut voir en effet que l’individu lève son bras en l’air à quelques reprises en criant « Sieg Heil ! », formule qui signifie en allemand « salut à la victoire ! » et qui est historiquement associée au salut hitlérien.

En dépit du caractère résolument offensant des gestes posés, on aurait tort de croire que le procureur pourra facilement s’acquitter de son fardeau de preuve dans ce dossier. Il y a même de fortes raisons de penser que le procès se soldera par un verdict d’acquittement. Non seulement suffit-il à l’accusé de soulever un simple doute sur un seul des éléments constitutifs de l’infraction pour que l’issue du procès lui soit favorable (et nous verrons que certains éléments ne vont pas de soi), mais il y a lieu de croire que le procureur s’est même rendu la tâche encore plus difficile en recourant au paragraphe 319(1) du Code criminel au lieu de recourir au paragraphe 319(2). À la lumière des faits rapportés, en effet, il me semble évident que c’est l’infraction de fomentation volontaire de la haine qui aurait dû servir de base à l’accusation et non l’infraction d’incitation publique à la haine. Dans les deux cas, l’obtention d’une condamnation s’annonçait certes ardue, mais l’infraction d’incitation publique à la haine exige la preuve d’un élément précis qui la rend extrêmement difficile à prouver, si ce n’est, comme nous le verrons, au prix d’une déformation complète du sens de l’article 319. 

Rappelons d’abord les éléments essentiels de l’infraction d’incitation publique à la haine dont est accusé M. Batbouti en vertu du paragraphe 319(1). Du côté de l’élément matériel du crime (actus reus), le procureur doit prouver que l’accusé a 1) communiqué des déclarations 2) dans un endroit public 3) de nature à inciter à la haine 4) contre un groupe identifiable, et ce, 5) à la condition qu’une telle incitation risquait d’entraîner une violation de la paix. Du côté de l’élément moral du crime (mens rea), puisqu’il s’agit d’une infraction d’intention générale, le procureur doit seulement prouver que l’accusé savait ce qu’il faisait et avait l’intention générale de commettre son action (c’est-à-dire de brandir un drapeau nazi sciemment et non accidentellement). Notons qu’en matière d’incitation publique à la haine, la preuve d’un simple état d’insouciance peut suffire, ce qui veut dire que l’accusé n’avait pas besoin de poursuivre l’objectif conscient d’attiser la haine envers un groupe identifiable pour être coupable ; il suffit qu’il ait vaguement eu conscience qu’il existait un risque d’alimenter une telle haine pour que la mens rea soit prouvée. Comme la Cour d’appel de l’Ontario l’a établi dans l’arrêt Buzzanga and Durocher, contrairement à ce qui est requis dans le cas de l’infraction de fomentation volontaire de la haine qui exige la preuve d’une mens rea d’intention spécifique, l’infraction d’incitation publique à la haine ne nécessite pas que l’accusé ait prévu que la haine constituerait une conséquence « certaine ou quasi certaine » de son action[1].

Il convient d’examiner tour à tour les cinq composantes de l’actus reus de manière à faire ressortir les difficultés qui attendent le procureur. Parmi les cinq éléments précédemment mentionnés, un seul s’impose immédiatement sans la moindre ambiguïté, à savoir le caractère public de l’endroit où se trouvait l’accusé au moment des faits. En effet, M. Batbouti n’a pas décidé de brandir un drapeau nazi alors qu’il se trouvait seul dans sa chambre ou encore dans le contexte privé d’une soirée entre amis, mais bien à l’occasion d’une manifestation publique qui se déroulait à la vue de tous, face au Parlement, sur la rue Wellington. L’analyse se complexifie quelque peu lorsqu’on considère le caractère déclaratoire des actes perpétrés. Brandir un drapeau nazi s’assimile-t-il à la communication d’une déclaration (statement) au sens du Code criminel ? Le mot « déclaration » ne se limite-t-il pas couramment à désigner des écrits ou des paroles ? L’article 319 a l’avantage de nous fournir une définition claire à cet égard : « [une déclaration] s’entend notamment des mots parlés, écrits ou enregistrés par des moyens électroniques ou électromagnétiques ou autrement, et des gestes, signes ou autres représentations visibles. » Le brandissement d’un drapeau nazi constitue donc bel et bien une déclaration au sens de la loi, de même d’ailleurs que les saluts hitlériens effectués par l’accusé alors qu’il était sur le point de quitter les lieux.

À ce stade, la preuve ne posera aucune difficulté particulière. C’est lorsque le procureur devra prouver que M. Batbouti a incité à la haine au sens prévu par le Code criminel que son travail se révèlera autrement plus compliqué. Il importe de distinguer ici entre l’incitation à la haine au sens moral et l’incitation à la haine au sens juridique. En son sens moral, la notion d’incitation à la haine a des frontières floues et particulièrement extensibles. On y recourt spontanément pour exprimer l’aversion que l’on ressent envers certains discours ou idées. Or si son application à certains discours ou idées peut s’avérer controversée et peu consensuelle[2], il n’est guère besoin d’enquête sociologique approfondie pour savoir qu’une majorité écrasante de citoyens canadiens, si ce n’est la presque totalité, considèrent spontanément le brandissement d’un drapeau nazi comme un acte de nature haineuse. À vrai dire, l’acte est perçu comme à ce point répréhensible que l’idée même que l’on puisse débattre moralement de son caractère haineux paraît elle-même condamnable aux yeux de plusieurs. Ce qui est vrai dans la sphère morale ne l’est toutefois pas nécessairement dans la sphère juridique. Le recours aux catégories juridiques exige un recul analytique qui s’avère peu compatible avec la spontanéité sans filtre qui caractérise la condamnation morale. Lors du procès de M. Batbouti, le procureur ne pourra pas simplement se contenter de s’appuyer sur les intuitions morales communes pour convaincre le juge ou le jury qu’un acte incitant à la haine s’est produit hors de tout doute raisonnable en l’espèce. Il devra s’en tenir au sens juridique de la notion d’incitation à la haine, laquelle est définie de façon beaucoup plus stricte, et ce, pour des raisons qui peuvent aisément se comprendre. 

Je me bornerai ici à aborder la raison principale qui fait que le seuil à partir duquel des idées et des discours jugés moralement répugnants sont sujets à la réprobation collective de la majorité ne saurait être le même que le seuil à partir duquel l’État intervient avec tout le poids de sa puissance coercitive et punitive pour criminaliser certains usages de la liberté d’expression. Si ces deux seuils étaient fixés au même endroit, le débat démocratique risquerait d’être considérablement étouffé et les droits individuels sévèrement amputés. Le drapeau nazi est certainement le pire exemple pour réfléchir aux fondements juridiques de la criminalisation de la propagande haineuse, en ce sens qu’il fait d’emblée l’unanimité contre lui et qu’il est malaisé d’imaginer qu’on puisse collectivement se tromper au sujet de sa nature haineuse, mais il demeure qu’indépendamment de ce cas particulier, la raison générale pour laquelle les tribunaux ont fixé la barre très haute pour savoir ce qui constitue de l’incitation à la haine en droit découle de la conscience du fait que la notion de haine comporte une importante dimension subjective et qu’il y aura toujours un risque que les majorités non seulement errent dans leur définition de ce qui peut être qualifiée comme telle, mais abusent des pouvoirs de l’État qu’elles contrôlent pour réprimer des minorités dissidentes et impopulaires. Comme l’a rappelé le juge Dickson (alors juge en chef) dans l’arrêt Keegstra : « On ne peut écarter à la légère le danger qu’un juge des faits décide à tort que la haine doit être inférée de déclarations que, personnellement, il trouve offensantes[3]. »

Or c’est précisément pour minimiser le plus possible ce danger et éviter que les dispositions du Code criminel constituent « une autorisation illimitée d’élargir la portée de l’infraction[4] » que la Cour suprême a opté pour une définition très restrictive de la notion d’incitation à la haine, beaucoup plus limitée que le sens élastique qui prévaut dans la sphère morale. Ainsi, suivant l’arrêt Keegstra, la haine au sens juridique « se limite à la forme la plus intense de l’aversion[5] », c’est-à-dire à « une émotion à la fois intense et extrême qui est clairement associée à la calomnie et à la détestation[6]. » Comme l’a souligné la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Andrews, dans un passage qui s’applique tout aussi bien au paragraphe 319(1) : « le mot “haine” n’a pas une connotation anodine. Fomenter la haine, c’est insuffler à autrui la détestation, l’inimitié, le mauvais vouloir et la malveillance. De toute évidence, l’expression doit aller très loin pour remplir les exigences de la définition du [par. 319(2)][7]. » Un des meilleurs indices pour conclure que nous sommes bel et bien en présence de la forme précise de haine qui est criminalisée au Canada est que les personnes ciblées par les déclarations haineuses se trouvent « méprisées, dédaignées, maltraitées et vilipendées », et ce, en raison même de leur appartenance à un groupe[8].

Il convient de se demander si les gestes posés par M. Batbouti peuvent satisfaire à une définition aussi pointilleuse. D’abord, on pourrait difficilement soutenir que le brandissement d’un drapeau nazi suffit à lui seul à prouver l’existence d’un acte de déshumanisation aussi extrême que celui établit comme critère par la Cour suprême en cette matière, lequel exclut la simple expression de contenus offensants « qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction de la population[9]. » Aussi porteur de haine que soit le symbole nazi historiquement, le seul fait qu’une personne l’arbore ou le brandisse ne saurait permettre d’inférer que nous sommes automatiquement en présence du degré d’incitation à la haine requis d’un point de vue juridique. En outre, même du côté de la mens rea qui se rattache à cet élément de l’actus reus, il n’est pas absolument inconcevable qu’une personne dépourvue d’intention haineuse puisse se livrer à de tels gestes. Pensons au cas d’une personne qui serait mentalement troublée au point d’entretenir un ensemble de croyances étranges de nature à la conduire à vouloir exprimer autre chose que de la haine en brandissant un tel symbole, ou encore au cas d’un troll qui aurait simplement profité de la controverse entourant ce dernier pour attirer l’attention des médias, et ce, en croyant sincèrement que le brandissement d’un tel symbole s’avérait insuffisant pour contribuer activement à la déshumanisation d’un groupe. Enfin, remarquons que bien que les tribunaux ne se soient jamais penchés sur la question de savoir si l’affichage d’un symbole nazi pouvait à lui seul constituer de l’incitation à la haine au sens juridique, il est en vérité si bien reconnu que les dispositions actuelles du Code criminel ne s’étendent pas jusque-là que pas moins de deux projets de loi privés – les projets C-313[10] et C-229[11] – ont été déposés à la Chambre des communes dans la dernière année pour s’assurer que les symboles de haine tombent enfin sous le coup de la loi.

Cela dit, il faut aussitôt souligner que M. Batbouti ne s’est pas contenté de brandir son drapeau en silence. Il a ajouté aussi des gestes (le salut hitlérien) et des paroles (« Sieg Heil ! ») qui permettent de préciser davantage le sens des actes posés. Compte tenu de ces éléments, il semble clair que les gestes reprochés à M. Batbouti traduisaient minimalement son adhésion à certains aspects de l’idéologie nazie. Mais s’agit-il pour autant de déclarations incitant à la haine au sens du Code criminel ? À moins que d’autres paroles n’aient été prononcées sans être rapportées, et à moins de soutenir que ces gestes et ces paroles équivalent au fait d’exprimer tacitement les idées les plus venimeuses associées au nazisme, ce qui revient à prêter à l’accusé un ensemble d’idées qu’il n’a pas exprimé publiquement, il nous semble que non.

Ce qui nous amène au quatrième élément essentiel de l’actus reus qui concerne le fait d’inciter à la haine en ciblant directement un groupe identifiable. Le paragraphe 318(4) du Code criminel précise à cet égard que l’expression « groupe identifiable » « s’entend de toute section du public qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion, l’origine nationale ou ethnique, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre ou la déficience mentale ou physique. » Historiquement, le nazisme s’est attaqué aux Juifs, aux Slaves, aux Tziganes, aux Noirs, aux homosexuels, aux personnes souffrant d’un handicap mental et physique ainsi qu’aux Témoins de Jéhovah. Est-il possible d’inférer des seuls gestes et déclarations reprochés à M. Batbouti qu’il a visé tous ces groupes, voire seulement certains d’entre eux, et que sa conduite était de nature « à dénigrer les membres [de ces groupes] aux yeux de la majorité en attaquant leur statut social et en compromettant leur acceptation au sein de la société[12] » ? Encore une fois, il sera difficile d’en faire la preuve, d’autant que le critère applicable en la matière est un critère objectif : le juge des faits doit se demander si « une personne raisonnable informée du contexte et des circonstances pertinentes estimerait, d’un point de vue objectif, que les propos exposent ou sont susceptibles d’exposer à la haine les membres du groupe ciblé[13]. » Si M. Batbouti s’était présenté avec son drapeau à une marche consacrée à la mémoire des victimes de l’Holocauste ou encore à une manifestation en soutien à l’État d’Israël, il aurait été plus aisé de déduire qu’il visait les personnes juives par exemple. Or, rien n’indique que c’était le cas en l’espèce et aucun des propos ou gestes attribués à l’accusé fait directement référence à un groupe identifiable[14]. Ce faisant, le procureur sera laissé avec bien peu de matière pour étayer sa preuve. Une fois de plus, il risque de se frapper à un mur : le mur du doute raisonnable.

Dans un prochain article, je poursuivrai cette réflexion en abordant plus en détail le cinquième et dernier élément de l’actus reus, à savoir la nécessité que l’incitation à la haine, pour peu qu’elle soit prouvée, soit en plus « susceptible d’entraîner une violation de la paix. » À mon avis, c’est cet élément, encore plus que les précédents, qui risque le plus de porter un coup fatal à la poursuite et, ce faisant, de consacrer l’acquittement de l’accusé.


[1] R. v. Buzzanga and Durocher (1979), 49 C.C.C. (2d) 369 (C.A. Ont.), p. 378. Voir aussi R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697. Pour plus de détails, voir le commentaire que j’ai consacré à cette décision. 

[2] Certains considèreront que la critique de l’immigration constitue en soi une forme d’incitation à la haine, par exemple, alors que d’autres estimeront qu’il s’agit d’une question démocratique légitime qui peut être abordée avec prudence et doigté.

[3] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, p. 778.

[4] Loc. cit.

[5] Loc. cit.

[6] Ibid., p. 777. 

[7] R. v. Andrews (1988), 65 O.R. (2d) 161, p. 179, conf. [1990] 3 R.C.S. 000. Le passage est cité avec approbation dans R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, p. 777. 

[8] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, p. 777.

[9] Cour Eur. D. H., affaire Handyside, décision du 29 avril 1976, série A no 24, p. 23 (passage cité avec approbation par le juge Dickson dans Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 969). Voir aussi les propos du juge Campbell : « It is unfortunate that concept of freedom of speech is so often sullied by invoking it in defense of crude epithets. At the same time, it is not illegal simply to say things that are grossly rude, wildly offensive, blatantly false, callously hurtful, or even disgustingly hateful. The law does not make the use of specific words or symbols criminal. Society’s condemnation of those things comes from sources other than the criminal law. » R. v. A.B., 2012 NSPC 31, par. 15.

[10] Projet de loi n° C-313Loi modifiant le Code criminel (interdiction des symboles de haine), 43e lég. (Can.), 2e sess., 2021.

[11] Projet de loi n° C-229Loi modifiant le Code criminel (interdiction des symboles de haine), 44e lég. (Can.), 1re sess., 2022.

[12] Saskatchewan (Humans Right Commission) c. Whatcott, [2013] 1 R.C.S. 467, par. 71.

[13] Owens c. Human Rights Commission (Sask.), 2006 SKCA 41, par. 60, cité avec approbation dans Saskatchewan (Humans Right Commission) c. Whatcott, [2013] 1 R.C.S. 467, par. 35.

[14] Dans la section réservée aux commentaires, un lecteur se demande si le lien entre le symbole nazi et certains groupes identifiables ne pourrait pas faire l’objet d’une connaissance d’office par le tribunal, c’est-à-dire être considéré comme un fait notoire « ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables » ou encore comme un fait « dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable » (R. c. Find, [2001] 1 R.C.S. 863, par. 48). Considérant que la Cour suprême a reconnu que les faits qui touchent « de près au cœur du litige » et qui sont susceptibles d’avoir « une incidence directe sur l’issue du procès » peuvent être soumises à des exigences plus sévères en matière de connaissance d’office que les faits généraux (R. c. Spence, [2005] 3 R.C.S. 458, par. 60-61), j’aurais tendance à croire que les tribunaux hésiteront grandement avant d’admettre d’office un élément qui s’avère constitutif de l’actus reus. Le même lecteur a cependant tout à fait raison de faire remarquer qu’un expert pourrait être appelé à témoigner pour établir l’existence d’un lien indissociable entre le symbole nazi et certains groupes identifiables, par exemple les Juifs. Si un expert témoignait avec succès en ce sens, le procureur pourrait en effet réussir à prouver le quatrième élément de l’actus reus, et ce, même si l’accusé n’a jamais explicitement fait mention d’un groupe identifiable. Le problème de la preuve se déplacerait ensuite du côté de l’élément moral qui se rapporte à cet élément de l’actus reus. À cette étape, l’accusé pourrait-il faire valoir qu’en dépit du lien qui existe entre le symbole nazi et certains groupes identifiables, il n’avait aucunement l’intention de les cibler directement par son action, ne serait-ce même que d’une manière insouciante ? Je pense qu’étant donné que la mens rea requise par l’art. 319(1) est une mens rea d’intention générale, l’avantage serait ici du côté de la poursuite. À ce stade, on peut donc dire que la difficulté se concentrerait surtout au niveau du troisième élément de l’actus reus qui concerne la question de savoir si l’accusé a bel et bien incité à la haine contre un ou des groupes identifiables. Je tiens sincèrement à remercier le lecteur pour son commentaire.

2 commentaires sur « Incitation publique à la haine et brandissement d’un drapeau nazi : quel fardeau de preuve attend la poursuite dans l’affaire Batbouti ? »

  1. Je vous remercie pour cette excellente réflexion. En ce qui concerne le quatrième élément, je me demande quel sera le rôle d’une éventuelle preuve d’expert. Ne serait-il pas possible qu’un témoin expert affirme au tribunal que les gestes posés sont indissociables du dénigrement de ces groupes? De plus, on peut se questionner sur la portée de la connaissance d’office en pareille situation.

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