
On raconte qu’à l’époque où il enseignait le droit, Felix Frankfurter faisait, en matière d’interprétation des lois, trois recommandations bien importantes à ses étudiants : « 1) Lisez la loi ; 2) LISEZ LA LOI ; 3) LISEZ LA LOI ! »
– P.-A. Côté et M. Devinat (2021), relatant une anecdote racontée par H. Friendly (1967)
Dans un article paru sur ce site en 2021, j’avais attiré l’attention sur une étrange affaire d’accusation d’incitation publique à la haine contre un groupe identifiable non reconnu en droit criminel canadien. Dans cette affaire, le Directeur des poursuites pénales et criminelles (DPCP) avait déposé une accusation en vertu du paragraphe 319(1) du Code criminel contre un individu qui, par ses déclarations publiques, avait prétendument incité à la haine contre les policiers. Or le problème était que le groupe professionnel des policiers ne constituait en rien – et ne constitue toujours pas –, un groupe identifiable au sens du Code criminel. À l’époque, j’avais conclu mon texte en prédisant que l’accusé serait certainement acquitté de l’infraction d’avoir incité à la haine et que le procès avait même toutes les chances de se solder par un non-lieu, c’est-à-dire par le rejet pur et simple des accusations[1].
À mon grand soulagement, un coup d’œil au plumitif deux ans plus tard m’avait partiellement rassuré sur le fonctionnement de nos institutions : en date du 27 novembre 2023, l’accusation d’incitation publique à la haine avait été abandonnée et l’accusé avait finalement plaidé coupable à l’infraction d’avoir conseillé une infraction en vertu de l’article 464b) du Code criminel, infraction que je présentais moi-même comme une option raisonnable en 2021 à la lumière des éléments de preuve publiquement accessibles.
Une affaire plus récente, rapportée par La Presse au début de l’année 2024, me force à constater que les dispositions contre la haine sont mal comprises (ou devrais-je dire mal lues) par de nombreux acteurs du système de justice, au point de conduire ni plus ni moins à des erreurs judiciaires. Dans cette affaire abracadabrante, l’accusé, François Xavier-Jean, a carrément plaidé coupable d’avoir fomenté volontairement la haine contre un groupe tout aussi peu reconnu que les policiers en droit canadien : les politiciens. Il convient de citer l’extrait de l’article qui m’a d’abord fait sourciller :
En mai dernier, François-Xavier Jean est en direct sur TikTok. Il fume du crack dans une pipe. Pour la énième fois, il crache son fiel. Il lance à ses auditeurs qu’il entend « tuer plein de politiciens de l’Assemblée nationale » et qu’il va se « réincarner pour tuer plein de gens ». Il ne s’arrête pas là : il incite des personnes « à se sacrifier pour faire des actes terroristes ».
L’homme de 29 ans, surnommé « Prophètequébecofficiel », selon le plumitif, a plaidé coupable à certains chefs le 19 janvier dernier au palais de justice de Longueuil, dont avoir menacé de mort des politiciens, avoir fomenté la haine contre les politiciens et avoir harcelé des employés de TVA.
Cette idée qu’un individu ait pu plaider coupable d’avoir fomenté la haine contre les politiciens est à ce point saugrenue que j’ai d’abord soupçonné – sans doute par déférence spontanée envers l’institution judiciaire –, une erreur journalistique. « Le journaliste a dû mal comprendre », me suis-je dit, d’autant que le groupe visé par l’infraction ne figure normalement jamais dans le plumitif, contrairement à ce que peut laisser entendre la formulation de cet extrait. La seule façon de dissiper mes soupçons était d’écrire directement au journaliste judiciaire chargé de couvrir cette affaire pour La Presse afin de lui demander de me confirmer la véracité des informations contenues dans l’article. Le 8 juillet dernier, le journaliste Louis-Samuel Perron répondait gentiment à ma demande de clarification et me confirmait le pire, à savoir que ce n’était pas l’institution médiatique qui était en cause, mais bien l’institution judiciaire. L’enregistrement audio de l’audience sur lequel s’appuyait l’article de M. Perron (et qu’il a même pris la peine de réécouter pour s’en assurer) ne laisse aucune ambigüité : M. Jean a bel et bien plaidé coupable, le 19 janvier 2024 au palais de justice de Longueuil, à un chef d’accusation « d’avoir fomenté volontairement la haine contre un groupe identifiable, les politiciens » (extrait de l’enregistrement audio). Pour le dire en des termes qui nous rapprochent davantage de l’univers de Kafka[2] que de l’univers du droit, c’est donc dire que M. Jean a plaidé coupable et a été puni pour une infraction qui n’existe pas.
Retour sur la notion de groupe identifiable
Il découle notamment de l’art. 9 du Code criminel que « nul ne peut être déclaré coupable » d’une infraction pénale si elle n’a pas été dûment prévue par une loi canadienne. Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Frey v. Fedoruk dès 1950, « il appartient au Parlement et non aux tribunaux de décider si un comportement qui n’a pas été considéré comme criminel jusqu’à présent doit l’être désormais[3]. » Ce primat accordé au Parlement traduit l’adhésion du Canada au principe de légalité, dont l’une des conditions les plus fondamentales tient à l’exigence d’un texte de loi validement adopté et publiquement accessible. La raison d’être d’un tel principe est de permettre aux justiciables de départager à l’avance ce qui relève du droit criminel et ce qui n’en relève pas. Pour ce faire, il est impératif que les lois tracent « le contour d’une sphère de risque[4] », dessinent un « ’’noyau’’ identifiable d’activité prohibée[5] », de manière à éviter qu’un individu puisse être condamné pour des actes dont aucun indice ne permettait d’anticiper raisonnablement le caractère illégal.
En raison de la texture ouverte du langage employé dans de nombreuses infractions[6], l’idéal du principe de légalité se heurte à plusieurs obstacles en pratique. Pour avoir une idée un tant soit peu précise de ce que le Code criminel entend par « haine », par exemple, un justiciable ne pourrait se contenter de lire l’ensemble des dispositions qui emploient cette notion. Le législateur ayant choisi de ne fournir aucun indice sémantique dans le texte de loi, c’est vers la jurisprudence touffue de la Cour suprême du Canada qu’il lui faudrait se tourner, en particulier les arrêts Keegstra[7] et Whatcott[8], dont les motifs majoritaires totalisent à eux seuls près de 200 pages. Et il faut bien admettre que même après une lecture attentive, un justiciable tout à fait raisonnable et doté des meilleures compétences en littératie pourrait encore considérer le sens de cette notion évanescente, et ce, malgré les efforts louables de la Cour pour en minimiser le caractère fuyant.
Dans le cas de l’affaire Jean – et c’est là sans doute ce qui la rend aussi déconcertante à mes yeux – rien n’empêchait le principe de légalité d’être à la hauteur de son idéal. Le texte du Code criminel est d’une clarté cristalline et il suffisait à quiconque – justiciable, avocats, juge – de simplement le lire pour être en mesure d’identifier les groupes contre lesquels le Parlement a décidé d’interdire la diffusion de déclarations haineuses. Rappelons d’abord que M. Jean a été accusé d’avoir fomenté volontairement la haine, infraction qui, selon le par. 319(2) du Code criminel, s’applique à « quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, fomente volontairement la haine contre un groupe identifiable. » Chaque élément constitutif mentionné dans ce libellé doit être prouvé hors de tout doute raisonnable et il va sans dire que leur sens précis peut s’avérer décisif pour conclure ou non à la commission de l’infraction. Pour faciliter l’interprétation de cette disposition, le législateur a prévu certaines définitions au par. 319(7), en définissant par exemple les notions de « communication » et de « déclarations. » Au même paragraphe, le législateur stipule ce qui suit au sujet de la notion de « groupe identifiable » : « A le sens que lui donne l’article 318. » C’est donc le par. 318(4) qui fournit la définition recherchée :
(4) Au présent article, groupe identifiable s’entend de toute section du public qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion, l’origine nationale ou ethnique, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre ou la déficience mentale ou physique[9].
On ne trouve dans cette définition limpide aucune trace des politiciens, groupe contre lequel François-Xavier Jean a pourtant plaidé coupable d’avoir fomenté la haine. Lorsque j’écris que M. Jean a plaidé coupable à une infraction qui n’existe pas, c’est précisément parce que la fomentation volontaire de la haine inclut parmi ses éléments essentiels la cible ou le destinataire de la haine : pour que l’on puisse conclure à l’existence de l’infraction, la poursuite doit impérativement prouver hors de tout doute raisonnable que la haine visait un groupe identifiable qui tombe sous la protection de la loi. Toute personne qui incite à la haine contre un autre groupe que les groupes mentionnés au par. 318(4) peut certes commettre une action offensante et regrettable, mais il ne s’agit pas d’une conduite que le législateur a souhaité criminaliser (contrairement à l’infraction de menace, par exemple, dont la preuve peut se faire sans égard au groupe visé). Pour le dire autrement, la fomentation volontaire de la haine contre les politiciens relève de la morale, et non du droit. Le corollaire de cette affirmation est que la réprobation de certains discours haineux a été laissée aux mécanismes d’autorégulation qui opèrent couramment dans la sphère sociale : blâme, stigmatisation, sanction réputationnelle, etc., autant de dispositifs normatifs qui n’ont pas besoin du droit pour produire leurs effets, notamment grâce à la modération spontanée des discours qui résulte de la crainte du jugement social.
L’encouragement au génocide (art. 318 C.cr.), l’incitation publique à la haine (319(1) C.cr.) et la fomentation volontaire de la haine (319(2) C.cr.) ne sont pas les seules infractions du Code criminel dont l’existence même dépend de la question de savoir si les personnes ciblées faisaient partie d’un groupe particulier. On peut penser à l’art. 270 du Code criminel, par exemple, qui concerne les « voies de fait contre un agent de la paix. » Dans ce cas, toutefois, le constat que les personnes visées par les voies de fait n’étaient pas des agents de la paix au sens de la loi ne met pas automatiquement fin à la compétence du droit criminel, dans la mesure où il existe une catégorie plus générale de voies de fait (art. 265 C.cr.) qui s’applique indépendamment de l’identité des personnes qui en sont victimes. Or en matière de propagande haineuse, il n’existe pas d’infraction plus générale qui autoriserait le ministère public à poursuivre les individus qui attaquent une section du public qui ne se distingue pas par les caractéristiques reconnues au par. 318(4).
Il est intéressant de noter qu’en 2010, une importante controverse avait fait rage à la suite du rejet d’une accusation d’incitation publique à la haine par un juge de la Cour du Québec en raison de l’absence du groupe visé par les propos haineux dans les caractéristiques mentionnées au par. 318(4)[10]. À l’époque, bien que l’accusé Jean-Claude Rochefort s’était livré à des propos d’une rare violence envers les femmes, allant jusqu’à faire l’éloge de l’auteur de la tuerie de l’École polytechnique, la juge Hélène Morin s’était rendue aux arguments de la défense en concluant que les femmes ne constituaient malheureusement pas un groupe identifiable au sens du Code criminel[11]. Il faut savoir qu’en 2010, le sexe ne figurait pas parmi les caractéristiques protégées en vertu du par. 318(4). Face à ce silence du législateur, il ne revenait pas à la juge Morin d’élargir la notion de groupe identifiable, mais bien au Parlement, ce qu’il fit justement en 2015 en ajoutant le sexe parmi les caractéristiques protégées[12]. Quelques années plus tard, en 2019, c’est grâce à cette modification législative que de nouvelles accusations ont pu être portées contre M. Rochefort, cette fois pour fomentation volontaire de la haine envers les femmes. Malgré les efforts de l’accusé pour convaincre le tribunal que ses propos ni ciblaient pas les femmes en général, mais bien une sous-section non protégée de celles-ci (les féministes)[13], un verdict de culpabilité a été prononcé en 2022[14]. Pour avoir tenu des propos qui, s’ils avaient été prononcés avant 2015, n’auraient pas été criminels au sens de l’art. 318(4), Rochefort a écopé d’une peine d’un an d’emprisonnement suivi d’une probation de trois ans[15].
Quant la présomption de compétence tourne à l’erreur judiciaire
En 2010, le DPCP avait sans contredit commis une erreur en déposant une accusation d’incitation publique à la haine contre un groupe identifiable qui n’était pas reconnu en droit. Grâce au travail vigilant de la défense, cela dit, et à la juge Morin qui s’est rendue à la seule conclusion fondée en droit, M. Rochefort n’avait pas été trouvé coupable d’un crime qui n’existait pas. Ce qui surprend le plus avec l’affaire Jean c’est que l’erreur initiale de la poursuite n’a été relevée par personne, jusqu’à permettre non seulement l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, mais l’imposition d’une peine de trois mois d’emprisonnement suivis d’une probation de deux ans. Il est vrai que la peine résultait d’une suggestion commune et qu’elle était concurrente à celle imposée pour d’autres infractions (menaces de mort et possession de substances), mais cela ne change rien au principe voulant que personne ne devrait avoir à plaider coupable à une infraction qui n’existe pas.
Il faut certes faire preuve d’indulgence envers les acteurs du système de justice, lesquels travaillent souvent dans des conditions qui, il faut bien le dire, sont tout sauf propices au travail minutieux. Cette indulgence ne devrait toutefois pas aller jusqu’à passer sous silence les erreurs qu’ils commettent lorsqu’on les constate, surtout lorsque cela se solde concrètement par l’inscription d’une infraction inexistante dans le casier judiciaire d’un individu.
Ce qui frappe le plus avec l’affaire Jean, c’est que chaque acteur – de la procureure de la Couronne au juge en passant par l’avocat de la défense – aurait dû normalement se rendre compte que les politiciens ne constituaient pas un groupe identifiable au sens du Code criminel. En d’autres termes, si un seul des trois s’était acquitté correctement des obligations qui lui incombent, la condamnation de M. Jean pour fomentation volontaire de la haine aurait pu être évitée. La procureure, tout d’abord, a certainement failli à son devoir de porter des accusations fondées sur une connaissance adéquate du droit[16]. La norme de la suffisance de preuve la contraignait à s’assurer qu’une preuve minimale existait relativement à chacun des éléments constitutifs de l’infraction poursuivie. Or une simple lecture du par. 318(4) aurait dû suffire à la convaincre qu’aucune preuve ne lui permettrait d’établir un élément pourtant essentiel de l’actus reus : celui du groupe visé par les déclarations haineuses.
L’avocat de la défense n’est pas en reste, surtout lorsqu’on considère, avec l’ancien juge Cory, que « it is Defence Counsel who must ensure that no one is found guilty unless the charge is proven beyond a reasonable doubt. […] They are duty bound to ensure that the case proceeds with due attention to the law which binds us all[17]. » L’avocat de la défense constitue l’ultime garde-fou dont dispose l’accusé face au pouvoir de l’État (et, oserais-je dire, face au risque toujours présent de son incompétence). En l’espèce, l’avocat de M. Jean avait lui-même un devoir de compétence envers son client[18]. Bien qu’il ne s’agisse que d’une obligation de moyen, un avocat « normalement prévoyant et diligent[19] » aurait certainement pris la peine de relire son Code avant de conseiller à son client de plaider coupable à une infraction dont il ignorait manifestement les tenants et aboutissants.
Quant au juge qui a accepté le plaidoyer de culpabilité découlant de la suggestion commune des deux parties, l’alinéa 606(1.1)c) du Code criminel prévoit que « le tribunal ne peut accepter un plaidoyer de culpabilité que s’il est convaincu […] que les faits justifient l’accusation. » Le paragraphe 606(1.2) précise que le tribunal n’a pas l’obligation de procéder à un « examen approfondi » pour déterminer si cette condition est satisfaite, mais on peut douter qu’une lecture rapide des dispositions pertinentes du Code criminel nécessitait autre chose qu’un examen superficiel.
S’il y a une leçon paradoxale à retenir de cette affaire, c’est que chaque acteur semble avoir fait preuve d’un excès de confiance envers ses collègues : l’avocat de la défense et le juge en tenant pour acquis que la procureure ne déposerait pas d’accusations sans fondement ; la procureure et le juge en se fiant à l’avocat de la défense pour signaler toute anomalie susceptible de nuire à son client. La confiance entre juristes est assurément une condition essentielle au bon fonctionnement du système de justice, ne serait-ce que par le temps qu’elle permet d’économiser. Chaque acteur s’attend à ce que les autres remplissent adéquatement leur rôle[20], et c’est grâce à cette forme de « division du travail », fondée sur une présomption de compétence, que le système – déjà sous pression – parvient à fonctionner un tant soit peu rondement.
Dans la mesure où ce sont souvent les mêmes infractions qui reviennent sans cesse devant les tribunaux, cette présomption de compétence ne pose généralement pas de problème. Lorsque tous les acteurs judiciaires connaissent les éléments constitutifs d’une infraction sur le bout de leurs doigts, le risque d’erreur est à peu près nul. Le jour toutefois où une infraction plus rare se faufile jusqu’à un palais de justice, la présomption de compétence révèle soudainement ses limites. Lorsque cela se produit, comme dans l’affaire Jean, la confiance mutuelle peut subrepticement faire le lit d’une forme inquiétante et dangereuse de collectivisation de l’ignorance. À la confiance aveugle entre juristes devrait alors se substituer une saine méfiance envers la compétence de chacun, faute de quoi c’est la confiance même du public envers l’administration de la justice qui risque d’être compromise.
[1] Un juge peut ordonner un non-lieu lorsque la preuve soumise par la Couronne à l’égard de l’un des éléments constitutifs de l’infraction est insuffisante pour pouvoir conduire à un verdict de culpabilité. Il va sans dire que l’on pourrait difficilement imaginer une preuve plus faible qu’une preuve inexistante. Sur le critère de l’absence de preuve suffisante dans le contexte d’un procès avec jury, voir Mezzo c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 802.
[2] Voir ce qu’écrivait la juge McLachlin (alors juge en chef) dans l’arrêt Mabior : « Condamner une personne pour un acte dont elle ne pouvait raisonnablement savoir qu’il était criminel est digne de l’univers kafkaïen et va à l’encontre de notre conception de la justice. » R. c. Mabior, [2012] 2 R.C.S. 584, par. 14.
[3] Ma traduction : Frey v. Fedoruk et al., [1950] S.C.R. 517, p. 518, 530.
[4] R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, p. 639.
[5] Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 R.C.S. 1031, par. 7.
[6] Voir H. L. A. Hart (1994), The Concept of Law, New York, Oxford University Press, chap. 7.
[7] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697
[8] Saskatchewan (Humans Right Commission) c. Whatcott, [2013] 1 R.C.S. 467
[9] Voir aussi la version anglaise du même texte : « (4) In this section, identifiable group means any section of the public distinguished by colour, race, religion, national or ethnic origin, age, sex, sexual orientation, gender identity or expression, or mental or physical disability. »
[10] Voir à ce sujet l’article fort instructif de mon collègue Amissi M. Manirabona (2011), « Vers la répression de la propagande haineuse basée sur le sexe ? Quelques arguments pour une redéfinition de la notion de ’’groupe identifiable’’ prévue dans le Code criminel », Les Cahiers de droit, vol. 52, n° 2, en particulier p. 247-248.
[11] Selon ce que rapporte le journal The Gazette, M. Rochefort avait néanmoins plaidé coupable à une accusation de possession illégale d’une arme à feu dans le même dossier. Le blogueur avait alors écopé de deux ans de probation assortie d’une peine de 50 heures de travaux communautaires.
[12] Signalons qu’en 1970, au moment de l’entrée en vigueur des infractions contre la haine, les seules caractéristiques protégées étaient la couleur, la race, la religion et l’origine ethnique. Avant l’intervention législative de 2015, qui est venue ajouter l’origine nationale, l’âge, le sexe et la déficience mentale ou physique, le seul ajout avait été l’orientation sexuelle en 2004. Plus récemment, en 2017, c’est l’identité ou l’expression de genre qui a fait son entrée dans le Code criminel, avec l’adoption du projet de loi C-16. Notons que les mêmes groupes se trouvent mentionnés au sous-alinéa 718.2a)i) C.cr. qui concerne la prise en compte de la haine et des préjugés à titre de circonstance aggravante.
[13] J’avais à l’époque abordé cette question dans un autre article paru sur ce blogue.
[14] R. c. Rochefort, 2022 QCCS 2991. Mentionnons que Rochefort a présenté une requête pour permission d’appeler sur le verdict de culpabilité, laquelle est toujours pendante.
[15] R. c. Rochefort, 2023 QCCS 207.
[16] Dans ses directives portant sur la décision d’intenter une poursuite, le DPCP précise qu’avant d’entreprendre une poursuite, le procureur droit procéder à une analyse objective qui traduit « une appréciation professionnelle du fondement juridique de la poursuite. » Voir Directeur des poursuites criminelles et pénales (2023), ACC-3 DM – Accusation – Décision d’intenter et de continuer une poursuite, par. 8.
[17] P. de C. Cory (2001), The Inquiry Regarding Thomas Sophonow: The Investigation, Prosecution and Consideration of Entitlement to Compensation, Winnipeg, Manitoba Justice, p. 53.
[18] Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1, art. 20.
[19] Carignan c. R., 2003 CanLII 32932 (QC CA), par. 30.
[20] Voir à ce sujet les remarques éclairantes de mon collègue Patrick Garon-Sayegh (à paraître), « Déconfiner le droit privé en le dramatisant : l’artisanat juridique mis en scène et sous les projecteurs de Kenneth Burke », p. 21-22.
Outre l’hypothèse de « l’excès de confiance » entre collègues du système de justice, il faut, je crois, voir dans cette erreur judiciaire une conséquence fâcheuse – et hélas récurrente – de la culture du plaidoyer de culpabilité (sacralisée au Canada par l’arrêt Anthony-Cook). Cette culture met une forte pression sur les justiciables, qui voient bien souvent dans le plaidoyer de culpabilité une solution rapide, économique et certaine à leur(s) problème(s). Et ce, peu importe l’acuité juridique des accusations qui pèsent contre eux. Pour limiter les effets dommageables de cette culture, on peut entre autres se référer aux pistes de solutions envisagées dans les travaux de Palma Paciocco. Merci pour ce très bon texte.
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Je vous remercie pour votre commentaire. Vous avez tout à fait raison et je suis d’ailleurs justement en train de lire le petit livre de Leclerc et Euvrard sur le sujet (Négocier sa peine. Enquête au coeur des négociations de plaidoyers de culpabilité). L’affaire Jean est certainement un symptôme de cette culture du plaidoyer de culpabilité qui, pour éviter de mettre le système de justice « à genoux » (Anthony-Cook, par. 40), le fait parfois marcher sur la tête !
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