Retour sur l’affaire Batbouti : l’infraction d’incitation publique à la haine et la notion ambigüe de violation de la paix 

Dans un article que j’ai consacré il y a déjà plusieurs mois à l’affaire Batbouti – le lecteur me pardonnera d’avoir fait durer le suspense aussi longtemps –, j’ai examiné quatre des cinq éléments de l’actus reus qui doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable en matière d’incitation publique à la haine. J’ai tenté de montrer que dans une affaire semblable (qui impliquait, rappelons-le, le brandissement d’un drapeau nazi sur la rue Wellington à Ottawa), le procureur risquait d’être confronté à d’importantes difficultés en matière de preuve, une des principales consistant à prouver que les actes perpétrés étaient bel et bien de nature à inciter à la haine au sens fort et juridique du terme. À la fin de mon article, je promettais de revenir sur le cinquième et dernier élément de l’actus reus de l’infraction prévue au paragraphe 319(1) du Code criminel, à savoir la nécessité de prouver que l’incitation à la haine (pour peu qu’elle soit prouvée) était « susceptible d’entraîner une violation de la paix. » Comme je le soutiendrai ici, cet élément présente des difficultés si grandes qu’il risque de porter un coup fatal à la poursuite dans cette affaire, révélant au passage le caractère peu judicieux du véhicule juridique choisi par le ministère public pour porter des accusations. 

Rappelons que le paragraphe 319(1) du Code criminel interdit à « quiconque, par la communication de déclarations en un endroit public, [d’inciter] à la haine contre un groupe identifiable, lorsqu’une telle incitation est susceptible d’entraîner une violation de la paix. » Nous avons vu que la définition de la notion de « groupe identifiable » se trouvait au paragraphe 318(4) du Code criminel et que le sens de la notion d’incitation à la haine avait quant à lui été circonscrit par les tribunaux. Il convient à présent de se demander à quoi renvoie exactement la notion de violation de la paix et dans quel contexte une telle violation est susceptible de se produire. Notons d’abord que le législateur est demeuré complètement silencieux quant au sens qu’il convient de donner à cette notion. C’est donc à la jurisprudence qu’il revient de nous éclairer. Dans une décision récente de la Cour supérieure du Québec[1], le juge Downs a noté que la notion de violation de la paix n’avait « jamais été définie dans le cadre de l’infraction d’incitation à la haine[2] » et que, ayant reçu différentes définitions en lien avec d’autres domaines du droit, elle demeurait porteuse d’« une certaine ambiguïté[3]. »

Comment expliquer que la notion de violation de la paix n’ait jamais été rigoureusement définie auparavant alors même que les tribunaux l’ont déjà appliquée à des cas concrets d’incitation publique à la haine dans le passé ? La raison est simple : les problèmes de définition ne se posent fondamentalement que lorsque l’application d’une notion juridique à un cas donné révèle une part d’ambiguïté qui n’avait pas surgi jusqu’alors. Cela se produit généralement lorsqu’une partie – le procureur ou l’accusé – perçoit un décalage entre le sens intuitif d’une notion (celui qui nous vient à l’esprit spontanément) et la configuration factuelle d’une affaire précise. Le plus souvent, l’ambiguïté d’une notion se manifeste lorsqu’une affaire déborde de ce qu’on pourrait appeler son « noyau sémantique de clarté » et soulève la question de ses frontières. Les tribunaux sont alors confrontés à la question de savoir jusqu’où s’étendent ces dernières. Pour y répondre, il leur faut identifier des critères permettant de distinguer les configurations factuelles auxquelles une notion s’applique des configurations factuelles auxquelles elle ne s’applique pas. 

Or dans les rares cas d’accusations portées en vertu du paragraphe 319(1) dans le passé, la notion de violation de la paix s’est toujours vue appliquée avec assez d’aisance pour ne pas soulever la question de ses contours précis. Citons par exemple l’affaire Rioux[4], où l’accusé avait exprimé sa hâte d’obtenir son permis de chasse pour pouvoir mettre la tête de citoyens de confession musulmane sur le « hood » de sa voiture tout en évoquant le scénario d’une extermination. On peut également penser à l’affaire Rehberg[5], où deux frères de la Nouvelle-Écosse avaient incendié une immense croix devant la maison d’un couple composé d’une femme blanche et d’un homme noir tout en proférant des insultes raciales accompagnées d’une injonction à mourir (« die, n*****, die »). Mentionnons enfin l’affaire M.G.[6], où des messages suprémacistes peints en rouge sur des lieux de culte se doublaient de menaces de mort ciblant les personnes de confession juive (« kill all kikes »). Dans tous ces cas, qui se trouvent à la lisière de l’infraction d’incitation publique à la haine et de l’infraction de menaces[7], le risque de violation de la paix semblait à ce point manifeste que personne n’a cru utile de s’appesantir sur le sens à donner à cette notion.

C’est dans l’affaire Dion que la question sémantique a fini par surgir. Dans cette affaire, les propos haineux étaient plus élaborés et ne comportaient pas de menaces de violence aussi directes et explicites, ce qui laissait un peu plus de place à l’interprétation[8] quant à la question de savoir si une violation de la paix risquait de découler des propos tenus. Dans son jugement, le juge Downs a statué que le fait que l’accusé qualifiait l’immigration musulmane d’« invasion » et appelait le peuple québécois à « se lever deboute » et à « toute calisser ça dehors cte marde-là » permettait raisonnablement de conclure à l’existence d’un risque de violation de la paix. Précisions que le ton employé par l’accusé était empreint d’agressivité et que les propos – élément contextuel décisif à prendre en compte – ont été prononcés le jour même du deuxième anniversaire de la tuerie de la grande mosquée de Québec, et ce, alors même que l’accusé se livrait dans la même vidéo à une héroïsation de l’auteur de la tuerie[9].

Afin d’en arriver à cette conclusion, le juge Downs a dû d’abord clarifier le sens de la notion de violation de la paix. Pour ce faire, il s’est appuyé sur l’arrêt Fleming[10], une décision unanime de la Cour suprême parue en 2019 qui n’avait pas encore été rendue au moment du prononcé du verdict en première instance. Dans cette affaire, qui portait sur l’étendue des pouvoirs policiers conférés par l’article 31 du Code criminel[11], la Cour suprême a tenté de circonscrire la nature de la violation de la paix « en train » ou « sur le point » de se produire qui pouvait justifier l’arrestation d’un individu sans le moindre mandat. Tout en reconnaissant qu’il pouvait être difficile de donner une définition exhaustive de cette notion, la Cour suprême a souligné que toute violation de la paix était par « essence » synonyme de violence[12].  Citant avec approbation le juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario, la juge Côté a rappelé qu’« une violation de la paix envisage un acte ou des actions qui entraînent une menace de préjudice ou un préjudice réel pour quelqu’un[13]. » L’état du droit concernant le sens à donner à la notion de violation de la paix se trouve ainsi résumé au paragraphe 59 de l’arrêt Flemming :

« Un acte ne peut être considéré comme une violation de la paix que s’il comporte un certain degré de violence et un risque de préjudice. Ce n’est qu’en présence d’un danger de cette gravité que le pouvoir de l’État de porter légalement atteinte à la liberté d’un individu entre en jeu. Un comportement qui est simplement perturbateur, embêtant ou indiscipliné n’est pas une violation de la paix[14]. »

C’est ce sens précis qui sera repris par le juge Downs pour délimiter l’actus reus de l’infraction d’incitation publique à la haine. Pour que la communication de déclarations haineuse soit de nature à entraîner une violation de la paix, précise le magistrat, elles doivent obligatoirement comporter « un certain degré de violence et un risque de préjudice[15]. » En appliquant cette définition à l’affaire Dion, le juge Downs a retenu qu’un risque de préjudice réel existait pour les membres du groupe cible, dans la mesure où l’accusé laissait entendre que l’usage illégal de la force était vraisemblablement le seul moyen de parvenir à ses fins : 

« Qui plus est, selon la théorie de l’appelant, puisque le gouvernement est de mèche avec les islamistes, il revient au peuple de les sortir du pays. Conséquemment, si le gouvernement ne les expulse pas légalement, il revient au peuple de le faire, ce qui implique un quelconque usage de la force et un certain degré de violence[16]. » 

Encore une fois, cette interprétation était évidemment renforcée par le contexte dans lequel l’accusé a publié sa vidéo – celui de la commémoration d’une attaque violente – et le ton agressif qu’il employait. Il est intéressant de noter que le juge Downs ne s’est pas penché sur la question de savoir si le risque de violation de la paix devait revêtir un caractère pressant et imminent. Autrement dit, si le risque de préjudice et de violence devait se produire rapidement après la survenue d’un discours haineux (dans les minutes ou les heures qui suivent). Dans l’arrêt Keegstra, qui portait sur l’infraction de fomentation volontaire de la haine prévue au paragraphe 319(2), le juge Dickson s’est livré à une brève analyse comparative des paragraphes 319(1) et 319(2) et a conclu que le risque de violation de la paix devait avoir « un caractère immédiat », sans toutefois offrir plus de précisions à ce sujet[17]

Sans approfondir cet aspect en détail, plusieurs raisons me conduisent à penser que la menace de violation de la paix doit en effet être circonscrite à une fenêtre temporelle très restreinte, faute de quoi le paragraphe 319(1) risquerait tout simplement de ne pas survivre sur le plan constitutionnel[18] : 1) d’abord, tout comme l’infraction de fomentation volontaire de la haine, l’infraction d’incitation publique à la haine constitue une violation du droit à la liberté d’expression prévu à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne, laquelle ne saurait être justifiée que si elle constitue une atteinte minimale à ce droit. Or un risque de violation de la paix qui serait interprété trop largement, c’est-à-dire sans être limité à un cadre temporel relativement restreint, pourrait facilement contrevenir à ce critère[19] ; 2) l’infraction d’incitation publique à la haine, contrairement à l’infraction de fomentation volontaire de la haine, ne prévoit aucun moyen de défense[20], 3) ne requiert pas le consentement du procureur général pour engager des poursuites[21] et 4) n’exige pas la preuve d’une mens rea d’intention spécifique pour obtenir un verdict de culpabilité (un accusé pourrait ainsi ne pas avoir eu l’intention d’inciter à la haine, mais simplement avoir été insouciant quant à ce résultat, et être quand même trouvé coupable[22]) ; 5) enfin, un simple survol des débats parlementaires qui ont entouré la création de l’infraction d’incitation publique à la haine confirme que l’intention du législateur était de cibler les menaces imminentes à l’ordre public[23], d’autant que l’infraction de fomentation volontaire de la haine permet déjà de tenir compte des menaces plus vagues qui présentent un risque de préjudice à plus long terme pour les groupes ciblés par la propagande haineuse. Un principe d’interprétation législative bien connu invite à présumer de l’effectivité des lois adoptées par le législateur et à prioriser les interprétations qui favorisent leur complémentarité plutôt que leur redondance. 

Qu’en est-il maintenant de l’affaire Batbouti ? Il me semble évident, à la lumière de ce qui précède, que rien dans la preuve que j’ai précédemment décrite ne permet de conclure que les gestes posés par M. Batbouti, aussi choquants qu’ils aient pu être, étaient raisonnablement de nature à entraîner une violation de la paix[24]. Il aurait certainement pu en être autrement dans un autre contexte (à l’occasion d’une marche en mémoire de l’Holocauste par exemple) ou si l’accusé avait accompagné ses actes de propos nettement plus incendiaires, mais en l’espèce, ce n’est manifestement pas le cas. Le degré de violence et le risque de préjudice qui se dégagent de l’ensemble de la preuve sont d’ailleurs sans commune mesure avec ce qui émanait des affaires DionRiouxRehberg et M.G.

On peut certes concevoir un scénario où l’accusé aurait, par ses gestes et ses propos haineux, provoqué la foule présente devant le Parlement au point de rendre celle-ci carrément hostile et incontrôlable. Dans un tel cas, la police aurait pu intervenir sur-le-champ pour neutraliser le risque de violation de la paix en procédant à l’arrestation de M. Batbouti[25]. Or en l’espèce, l’individu a été arrêté plus d’un mois après les faits, alors même qu’aucune violation de la paix n’avait pu être observée et que les actes reprochés avaient cessé de produire leurs effets (contrairement au contenu d’une vidéo, par exemple, qui continue de produire des effets chez ceux qui la visionnent tant et aussi longtemps que son accès n’a pas été bloqué[26]). 

La question qui se pose, dès lors, est la suivante : pourquoi le ministère public a-t-il opté pour porter des accusations dans un contexte où tout indique qu’il échouera à prouver les éléments constitutifs de l’infraction ? Nous sommes manifestement devant un cas où, toutes choses considérées, le ministère public a estimé que ses faibles chances de succès étaient secondaires par rapport à sa volonté d’envoyer un message fort de dénonciation à l’égard de toute personne susceptible d’exhiber des symboles de haine en public dans la région d’Ottawa, et ce, sans trop se soucier de la question de savoir si les gestes reprochés franchissaient le seuil d’une infraction criminelle. Après tout, la simple perspective d’avoir à faire face à la justice peut suffire à dissuader plusieurs personnes de commettre certains gestes[27], pour peu bien sûr qu’il s’agisse de personnes qui ne seraient pas déjà dissuadées par la lourde stigmatisation sociale qui ne manquera pas de frapper quiconque choisit de brandir un drapeau nazi en public, comportement unanimement honni s’il en est un. 

Il importe de reconnaître en conclusion que la décision d’intenter ou non des poursuites relève du très large pouvoir discrétionnaire dévolu au procureur dans notre système de justice pénale[28]. L’effet de dissuasion qui peut résulter du choix de poursuivre est d’ailleurs reconnu comme faisant partie des variables à soupeser[29]. Cela dit, comme l’a écrit le juge LeBel dans l’arrêt Regan, le procureur est astreint à un devoir d’objectivité et « l’objectivité commande que les décisions prises à l’égard d’une poursuite s’appuient sur une appréciation rationnelle des faits[30]. » À ce titre, il y a lieu de croire que si le ministère public abuse trop d’un véhicule juridique inapproprié pour porter des accusations qui se révèlent mal fondées, il finira par menacer la constitutionnalité même de ce véhicule en faisant apparaître au grand jour les risques de son instrumentalisation illégitime. 

Lorsque le droit à la liberté d’expression est en jeu, il faut toujours en outre garder à l’esprit que sa violation pour réprimer des idées abjectes peut aussi paver la voie à la répression d’idées beaucoup plus honorables. Comme l’a rappelé l’ancienne juge en chef Beverley McLachlin au nom de la majorité dans l’arrêt Zundel :

« L’histoire nous a montré qu’il arrive fréquemment que le discours susceptible d’être réprimé, ou du moins “paralysé”, par la poursuite par l’État de l’expression proscrite soit le discours de la minorité ou de groupes traditionnellement défavorisés[31]. »


[1] Dion c. R., 2020 QCCS 3049 (permission d’en appeler refusée, Dion c. R., 2020 QCCA 1658). Notons que la décision de la Cour supérieure constituait elle-même un appel d’une décision de la Cour du Québec. 

[2] Dion c. R., 2020 QCCS 3049, par. 43.

[3] Ibid., par. 44. 

[4] R. c. Rioux, 2016 QCCQ 6762.

[5] R. v. Rehberg, 2010 NSPC 101. Il est intéressant de noter que même aux États-Unis, où le discours haineux bénéficie d’une très large protection constitutionnelle, le fait de brûler une croix peut être criminalisé au nom de la doctrine des « vraies menaces », laquelle constitue une exception au 1er amendement. Voir à ce sujet Virginia v. Black 538 U.S. 343 (2003). Signalons toutefois qu’aux États-Unis, suivant le précédent établi dans Brandenburg v. Ohio, 395 U.S. 444 (1969), p. 395, « the constitutional guarantees of free speech and free press do not permit a State to forbid or proscribe advocacy of the use of force or of law violation except where such advocacy is directed to inciting or producing imminent lawless action and is likely to incite or produce such action. »

[6] R. v. M.G., 2017 ONCA 565.

[7] Voir à ce sujet mon article sur l’affaire Rochefort, où j’aborde « la frontière floue qui, dans certains cas, sépare le discours haineux de l’infraction de menace prévue à l’art. 264.1 du Code criminel. »

[8] Assez de place, du moins, pour que l’ambigüité résiduelle ouvre la porte à un appel. 

[9] Il importe de souligner que le contexte et le ton sont toujours des facteurs hautement pertinents lorsqu’il s’agit d’évaluer les éléments matériels de l’infraction d’incitation publique à la haine. Comme le rappelle à cet égard la Cour suprême dans l’arrêt Mugesera : « Pour déterminer s’il y a eu incitation à la haine, le juge des faits doit […] considérer les déclarations d’un point de vue objectif, mais tenir compte des circonstances dans lesquelles elles sont faites, de la manière et du ton employés, ainsi que de leurs destinataires. » Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, par. 106.

[10] Fleming c. Ontario, 2019 CSC 45, [2019] 3 R.C.S. 519.

[11]Voici le libellé de l’art. 31(1) C.cr. « Un agent de la paix qui est témoin d’une violation de la paix, comme toute personne qui lui prête légalement main-forte, est fondé à arrêter un individu qu’il trouve en train de commettre la violation de la paix ou qu’il croit, pour des motifs raisonnables, être sur le point d’y prendre part ou de la renouveler. » Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, art. 33.1(1).

[12] Fleming c.Ontario, 2019 CSC 45, [2019] 3 R.C.S. 519, par. 58.

[13] Brown v. Durham Regional Police Force, (1998), 43 O.R. (3d) 223, p. 248, cité dans Fleming c.Ontario, 2019 CSC 45, [2019] 3 R.C.S. 519, par. 58. Au même paragraphe de l’arrêt Fleming, la juge Côté souligne en outre ce passage de l’arrêt Frey c. Fedoruk, [1950] R.C.S. 517, p. 519 : « Le simple fait de déranger ou d’insulter quelqu’un sans recourir réellement à la violence ne constitue pas une violation de la paix. » 

[14] Fleming c.Ontario, 2019 CSC 45, [2019] 3 R.C.S. 519, par. 59. Voir aussi ce qu’écrivait le juge LeBel dans R. c. Kerr, [2004] 2 R.C.S. 371, 2004 CSC 44, par. 91 : « il n’y a pas de violation de la paix à moins que l’accusé pose ou menace de poser un geste a) qui cause effectivement des lésions corporelles à une personne ou qui endommage ses biens en sa présence; b) qui est susceptible de causer un tel préjudice; ou c) qui fait craindre un tel préjudice à une personne. »

[15] Dion c. R., 2020 QCCS 3049, par. 48.

[16] Ibid., par. 56.

[17] R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, p. 773. Voir aussi R. v. A.B., 2012 NSPC 31, par. 12, qui parle de « danger immédiat. »           

[18] Rappelons que seule la constitutionnalité du paragraphe 319(2) a été examinée dans l’arrêt Keegstra

[19] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. 

[20] Voir le par. 319(3) C.cr.

[21] Contrairement à l’infraction de fomentation volontaire de la haine qui exige un tel consentement. Voir le par. 319(6) C.cr. Rappelons que l’ajout d’une telle condition par le législateur avait essentiellement pour but de limiter les risques d’usage abusif des dispositions anti-haine. Il est intéressant de souligner que la nouvelle infraction de fomentation volontaire de l’antisémitisme, prévue au par. 319(2.1) C.cr., comporte la même condition. Cette infraction, créée au mois de juin 2022, n’existait toutefois pas encore au moment où M. Batbouti a commis les gestes qu’on lui reproche. 

[22] Voir à ce sujet mon article sur l’affaire R. v. Buzzanga and Durocher.

[23] Voir par exemple Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des questions juridiques, Procès-verbal, 28e lég., 2esess., vol. 1, n° 10, 24 février 1970, p. 55. Dans ce passage, le ministre de la Justice de l’époque, l’honorable John Turner, explique clairement que si le consentement du procureur général n’est pas requis dans le cas de l’incitation publique à la haine, c’est parce que l’urgence de la situation exige l’arrestation immédiate de l’individu, ce qui ne serait pas possible s’il fallait attendre que le procureur donne son accord.

[24] La simple présence d’un risque ne saurait suffire, faute de quoi la portée de l’art. 319(1) serait si large que son application pourrait facilement donner lieu à des abus, compromettant ainsi sa constitutionnalité. Ce sont les conséquences réelles ou probables résultant d’un discours haineux prononcé dans un contexte précis qui doivent être considérées pour justifier une arrestation et a fortiori le dépôt d’une accusation. Notons que si la jurisprudence ne s’est jamais penchée spécifiquement sur le sens à donner à l’expression « susceptible d’entraîner » qui figure au par. 319(1), d’autres passages comparables du Code criminel ont été interprétés de cette façon. Voir par exemple R. c. Viens, 2017 QCCA 377, par. 20 et R. c. Tremblay Lacasse, 2011 QCCA 2172, par. 37, à propos de l’expression « susceptible d’infliger » qui se trouve à l’art. 752 C.cr.

[25] Voici ce que remarquait d’ailleurs le sénateur libéral James Harper Prowse lors d’un débat entourant la création de l’infraction d’incitation publique à la haine au Sénat : « Quant au paragraphe (1), il est destiné à permettre à la police d’intervenir et d’empêcher une situation qui semble explosive d’exploser effectivement. » Sénat, Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, Procès-verbaux, 28e lég., 1re sess., vol. 1, n° 6, 25 mars 1969, p. 128. 

[26] Ce qui peut être fait en vertu du par. 319(4) C.cr.

[27] M. M. Feeley (1979), The Process Is the Punishment: Handling Cases in a Lower Criminal Court, New York, Russell Sage Foundation.

[28] R. c. T. (V.), [1992] 1 R.C.S. 749.

[29] Ibid., p. 761.

[30] R. c. Regan, [2002] 1 R.C.S. 297, 2002 CSC 12, par. 89. 

[31] R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731, p. 766.

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